La première édition du projet Danse et nouvelles technologies touche à sa fin : Christine Bastin, directrice artistique de La Fabrique de la Danse nous donne son ressenti sur tous ces ateliers avec les élèves de l’école des Amandiers et du collège Robert Doisneau.
Photo : Emmanuelle Stäuble
Voilà, nous arrivons au bout d’un projet d’une année qui s’est révélé bouleversant à plus d’un titre.
D’abord :
Retourner à l’école , se replonger dans ce que c’est : avoir 6 ans, 8 ans, 10 ans aujourd’hui.
Etre en classe avec les enfants, et créer dans le lieu même où ils travaillent, un autre espace fait de danse et d’expression des émotions.
Inventer un rapport d’écoute particulier : dis moi ce que tu penses ? Ce que tu sens ? Ce que tu aimes ou n’aimes pas ? Il n’y a pas de bonnes ou mauvaises réponses. Il y a juste l’expression de qui on est… Tout comme celui qui s’avance sur scène et se met à danser, comme il est, sans peur d’être jugé ou d’être différent. Juste lui-même.
La danse commence à cet endroit, où l’on se dit, où l’on s’accepte, où l’on se donne …. Pour mieux ensuite se donner aux autres et au monde.
On a découvert que l’essentiel, avant tout , c’est « d’être dansant », heureux d’être là , de sentir son corps, de se sentir vivant, ensemble, relié au mouvement du monde … et que cela vaut tous les spectacles, toutes les expositions qui vont conclure le projet.
Laisser la danse entrer dans l’école, au cœur de l’éducation des enfants, dans la salle de classe même, c’est lui donner enfin son rôle de ferment essentiel du devenir de l’être. Et comme c’est facile, quand toute l’équipe pédagogique d’une école y croit aussi fort que nous.
Dans des quartiers plus difficiles que d’autres, où peut-être on n’a pas le temps ou la possibilité de prendre soin de tout ce qui est précieux chez l’enfant, la danse vient le faire en prenant dans ses bras la fragilité, le désir, la timidité, la fatigue, la terreur, l’envie d’exploser, l’envie de pleurer, la peur, la joie, l’amour… Tous ces mots que nous livrent les enfants quand on leur demande ce qu’ils éprouvent, avant de danser, ou pendant, ou après…
« L’envie spontanée d’entrer dans la poésie du mouvement »
Chaque atelier, auprés de chaque classe de l’école des Amandiers a été un moment privilégié de vie intense, parlante et dansante….
On en a dit des choses ! A quoi ça sert la danse ? Et combien il y en a des danses ? Et qui a inventé la danse ? Et c’est quoi l’histoire de la danse ? Et qui danse ? Et comment ? Dans un cours, dans sa famille ? Dans la nature ?
Et avec quel corps on danse ? Un corps parfait ? Le sien ? Et c’est quoi prendre le temps ? Dans la danse et dans sa vie ? C’est quoi le bon rythme ? Comme on s’est dit tous ensemble : il faut du temps pour qu’une fleur pousse, qu’un enfant se fabrique, que le soleil se lève et se couche… Et la danse, c’est pareil : elle prend son temps pour naître en moi, pour me bouger , me rendre heureux… Et qu’est-ce que tout est beau quand on a bien pris le temps.
Et on en a vu des vidéos ! Cunningham, Mary Wigman, Philippe Découflé, Pina Bausch, Anne N’Gyuyen, Hofesh Shechter, Mourad Merzouki, Anne-Teresa de Keersmaeker, du Krump, de la danse dans l’eau…
Ce qui a été le plus marquant pour eux, c’est la sorcière de Mary Wigman, le teaser de Wim Wenders sur Pina Bausch, la danse dans la piscine… Plus de mal avec Cunningham (« collants trop près du corps ! »), et Anne-Teresa de Keersmaeker (« on dirait des fous ! »), et le Krump (« ça fait trop peur ! »)…
Et puis on a dansé. C’est fou comme ils aiment apprendre, retenir des mouvements, compter… Et comment tout de suite ils font silence, concentrés sur l’envie de réussir, de montrer qu’on peut y arriver, l’envie spontanée d’entrer dans la poésie du mouvement, de rêver sur la musique, de laisser exploser tout leur corps, et même de crier de joie quand l’énergie submerge tout…
On a improvisé aussi… avec ceux qui adorent, ceux qui n’osent pas, ceux qui chahutent, ceux qui observent au bord… tout au bord…
« Les pieds sur terre, la tête dans les étoiles, et la danse au milieu »
Et comme ils ont aimé aussi jouer avec toutes les nouvelles technologies appliquées à la danse : les tablettes , les Kinect, les Wiimote… et Dance Note, et les caméras qui les ont filmés… Toute la magie de l’image en plein cœur de la danse ! Ils se sont tous vus comme des « Merlin l’enchanteur » commandant aux forces de l’univers !
Et tous ces artistes associés au projet, qu’ils ont rencontrés et qu’ils ont vu travailler : photographe, vidéaste, créateur technologique, costumière, musicien…
Ils sont sortis très souvent aussi, pendant toute l’année, au théâtre, dans les expositions, au musée… Entre danse, peinture et sculpture célébrant la danse.
Voilà, tout ça, c’est Touche le ciel ! : les pieds sur terre, la tête dans les étoiles, et la danse au milieu comme le chemin poétique qui va de soi à soi, en passant par le monde.
Maintenant le mois de juin va voir éclore deux expositions, des spectacles participatifs, et une création danse et nouvelle technologie… comme les branches affleurantes de l’arbre Touche le ciel, qui a commencé à pousser aux Amandiers… qui ne fait que commencer.
Prenons le temps et vive toute la forêt à venir !
[NDLR : Le projet Touche le ciel a été conçu et est mis en oeuvre par l’équipe de La Fabrique de la Danse avec le soutien de la DRAC Ile-de-France, du Rectorat de Paris, de la mairie du XXème arrondissement, du Centre National de la Danse, de la Fondation d’entreprise AG2R LA MONDIALE et de la fondation Seligmann.]