(c) Emmanuelle Stäuble & chorégraphe: Christine Bastin

Pendant huit journées, notre programme de formation « Éco-concevoir un projet artistique » a réuni des professionnelles de la danse aux parcours et pratiques variés, avec une ambition commune : repenser la manière dont elles conçoivent, produisent et diffusent des projets artistiques à l’heure des urgences écologiques.

Ce journal de bord retrace le cheminement collectif de cette première promotion. Il témoigne des prises de conscience, des outils transmis, des rencontres artistiques et des déplacements de regard opérés au fil des journées. Entre constats, expérimentations et projections concrètes, il esquisse les contours d’une transition écologique du secteur chorégraphique, pensée à la fois comme une transformation des pratiques et comme un engagement artistique et politique.

Jour 1

Le programme débute à la Fabrique de la Danse, à Pantin. Découverte des lieux, premières rencontres, constitution du groupe. Huit femmes, aux parcours et pratiques variées, réunies autour d’un même désir : penser autrement leurs projets artistiques.
La première journée s’ouvre avec Samuel Valensi, metteur en scène de la compagnie La Poursuite du Bleu et membre du Shift Project. Il propose un panorama global des enjeux écologiques contemporains, replace la culture dans cette équation et interroge sa responsabilité dans la transition. Les chiffres sont sans détour, parfois vertigineux, mais nécessaires pour poser un cadre commun.
La journée se prolonge au Théâtre de la Renaissance avec Made in France, de Samuel Valensi. Sur fond de crise sociale, un anti-héros se réinvente en syndicaliste pour tenter de sauver une usine menacée de fermeture. Avec humour, la pièce met en lumière les rouages économiques contemporains et questionne nos modèles de production.

Jour 2

Après les constats alarmants du premier jour, l’intervention de Sylvie Bétard, cofondatrice du bureau Les Augures, ouvre des perspectives plus concrètes et mobilisatrices. Spécialiste de l’économie circulaire, elle présente des outils opérationnels pour interroger chaque projet dès sa conception et construire une stratégie d’éco-conception adaptée à chaque réalité artistique.
Un second temps avec Samuel Valensi permet d’entrer dans le détail des engagements de sa compagnie : réduction des impacts, arbitrages artistiques, choix de production. Il partage également des initiatives structurantes qu’il porte à l’échelle du secteur, comme la coordination du transport ferroviaire de décors pour une centaine de compagnies lors du Festival d’Avignon.

Jour 3

Hermann Lugan consacre la matinée à la question de la mobilité des œuvres et des professionnels. À travers une fresque de la mobilité culturelle, les participantes analysent les impacts des différents modes de déplacement et questionnent leurs pratiques. Cette réflexion est nourrie par la présentation du dernier rapport d’Arviva, qui ouvre des pistes concrètes en faveur de la coopération et de nouvelles formes de circulation des projets.
L’après-midi déplace le regard vers le cœur de la création artistique. La chorégraphe Clara Grosjean présente son duo pour une danseuse et des algues, une œuvre qui tente de penser une relation non hiérarchique entre espèces. Inscrite dans le cycle des marées, cette performance de 6 heures et 12 minutes propose une autre temporalité, en résistance à l’accélération et au productivisme, et interroge la possibilité d’une œuvre chorégraphique non anthropocentrique.
Orianne Vilmer anime ensuite une réflexion collective sur la manière dont les écritures chorégraphiques et les protocoles de création peuvent devenir des espaces de questionnement écologique.

Jour 4

La journée débute avec Jean-François Jégo, artiste-chercheur, qui aborde l’impact environnemental des créations numériques. Cette intervention est l’occasion d’une rencontre avec les artistes de l’incubateur danse et technologies de la Fabrique de la Danse et ouvre des pistes pour des projets numériques plus éthiques et conscients de leurs effets environnementaux.
Sylvie Bétard reprend ensuite la parole pour présenter les cadres réglementaires et obligations légales liés à l’environnement, ainsi que des outils pour orienter les achats vers des pratiques plus responsables. Un temps conséquent est consacré au décryptage du CACTÉ. Souvent perçu comme complexe, ce document du ministère de la Culture devient ici un véritable outil de pilotage, que chacune s’approprie pour inscrire concrètement l’écologie dans ses activités professionnelles.

Jour 5

Cette cinquième journée marque un tournant en abordant un enjeu central : le leadership. Être formée aux questions écologiques ne suffit pas ; encore faut-il savoir embarquer ses équipes et partenaires.
Orianne Vilmer propose une journée de travail autour du leadership, de l’intelligence émotionnelle, de la conduite du changement, de la négociation et de la gestion des conflits. Porter des convictions écologiques implique aussi de savoir les défendre, les partager et les incarner dans un cadre professionnel.

Jour 6

La sixième journée est consacrée au financement de la transition. Panorama des dispositifs existants, présentation de la plateforme Cooprog, exploration des opportunités offertes par les réseaux de diffusion et atelier pratique pour intégrer l’éco-conception dans les budgets de production. Une journée dense, parfois technique, mais indispensable pour rendre ces engagements soutenables dans la durée.

Jour 7:

Le groupe revient ensuite à des considérations plus directement artistiques avec la rencontre de Julie Desprairies. Elle présente sa démarche et son projet « Les soucis s’évanouissent« , une contemplation chorégraphique pour un étang. Son travail in situ s’appuie sur l’existant : habitants, savoir-faire locaux, environnement naturel, amateurs et professionnels du territoire.
La pièce réunit une cinquantaine de personnes liées à la Dombes et à ses pratiques – naturalistes, ornithologues, pisciculteurs, pêcheurs, éleveuses, chasseurs, artisans, danseurs et musiciens locaux. Menée sur le long terme, cette résidence constitue un modèle inspirant d’éco-conception, où l’attention au territoire et au vivant est au cœur du processus artistique.
Dans la continuité de ce temps d’inspiration, Alice Magdelénat, de l’équipe de la Fabrique de la Danse, propose la construction d’une cartographie participative des acteurs de la danse engagés dans la transition écologique du secteur.

Jour 8:

La formation s’achève par une journée de pilotage de projet. Chacune élabore une feuille de route précise, identifie ses priorités et définit des objectifs concrets pour les années à venir. L’ambition est claire : faire évoluer durablement ses pratiques professionnelles et réduire l’impact environnemental de ses projets dès 2026.

Huit journées de formation pour traverser l’ensemble des enjeux, acquérir des outils concrets et construire une vision à long terme. Chacune repart avec une feuille de route claire et la capacité d’incarner ses engagements au sein de ses équipes et de ses partenariats.


Le pari est réussi, et la promotion 2026 est attendue avec impatience.

Les candidatures pour la promotion 2026 du programme « Éco-concevoir un projet artistique » débutent le 5 janvier 2026 !