Rencontre avec Louis Barreau, de la promotion 2019 de l’incubateur.
Quel est ton univers chorégraphique ?
La relation entre la composition chorégraphique et la composition musicale est au cœur de mon travail. J’aime penser que mon métier de chorégraphe consiste, essentiellement et avant tout, à organiser structurellement, dans l’espace et le temps, le corps, la relation et le mouvement. J’aime l’idée que le mouvement soit expressif en tant que tel, tout comme la composition. En ce sens, je cherche à mettre en place des sortes de situations spatiales structurées dans lesquelles quelque chose se passe et se raconte en soi et pour soi. En d’autres termes, je ne cherche pas à parler à travers l’écriture de la danse, puisque je considère que la danse parle d’elle-même : pour moi, un bras qui s’étire sur le côté ou vers le haut, c’est déjà quelque chose de très important qui se dit, c’est déjà le corps qui parle de lui-même. Les mouvements et circulations naturels sont très inspirants pour moi : les vols d’oiseaux dans le ciel, les bancs de poissons dans la mer, le vent dans les arbres, les répétitions et déclinaisons des vagues, les transformations de la lumière du jour et de la nuit, des couleurs du ciel, des formes des nuages… Néanmoins, je ne cherche pas à représenter ces mouvements naturels dans mon travail, mais j’aime imaginer que la structure compositionnelle que je cherche à construire, au-delà du fait qu’elle soit très détaillée et organisée, soit influencée ou éclairée par les mouvements organiques et naturels qui sont partout, autour de nous. Je pars toujours d’une partition musicale (ou d’un autre type de « partition » le cas échéant comme une image, un texte, une peinture, un paysage…), et après l’avoir analysée, j’en extrais des lignes de composition que je mets au travail avec les danseurs en studio. Les danseurs, à travers la créativité de leur geste, deviennent pour moi comme des médiums traversés par le mouvement, qui à la fois incarnent cette structure, mais qui, dans le même temps, cherchent à travers leur propre danse et leur propre corps comment créer et vivre leurs espaces de liberté.
Peux-tu nous dire quelques mots sur ta création en cours ?
Nous venons de faire la première de ma dernière création, MONTAGNE DORÉE, les 7 et 8 février derniers, dans le cadre du festival Faits d’hiver organisé par micadanses-ADDP, au Théâtre de la Cité Internationale, à Paris. MONTAGNE DORÉE, est un duo de danseurs à l’unisson du début à la fin de la pièce, accompagné en live par un pianiste jouant les Variations Goldberg de J.S. Bach. Dans la pièce, il n’y a ni montagne ni dorures, il y a trois corps qui avancent ensemble comme dans une longue marche vers le haut, rythmée par 30 danses à la fois singulières et reliées les unes aux autres. Au fil de la pièce, la traversée se transforme en une performance, performance du corps et de l’esprit, une ascension à trois vers des liens à chaque instant plus précis, plus attentifs, plus conscients. Les variations sont la montagne qu’il faut arpenter pour se rapprocher, peut-être, de ce qu’il y a de lumineux et de doré dans la relation.
Quels ateliers as-tu prévu avec les danseurs de Danse en Seine ?
Pendant le stage, j’ai construit une courte forme chorégraphique sur la Passacaille de la Suite n°7 en sol mineur HWV 432 de G.F. Haendel, auprès des 7 danseurs de Danse en Seine. Comme je le fais habituellement dans mes créations, j’ai préalablement analysé la partition pour établir une sorte de méthodologie de composition que nous allons explorer et vivre avec les danseurs. Souvent, la méthodologie se décline, se transforme, s’adapte avec la force créative du danseur, et cela est toujours très beau pour moi. Cette courte forme sera présentée pour la Soirée des Chorégraphes en juin. Puisque nous avons très peu de temps pour la construire, j’aime l’idée de l’imaginer comme une sorte d’exercice de composition à vivre tous ensemble. Comme tout exercice, nous le vivrons comme un entraînement : entraînement de pratique dansée pour les danseurs, entraînement de composition pour moi. Et comme pour tout exercice, nous allons jusque-là où nous pourrons aller, tout simplement ! Lors de la Soirée des Chorégraphes, nous partagerons en quelque sorte les résultats et aboutissements de cet exercice avec les spectateurs présents…
Pourquoi avoir rejoint l’incubateur de chorégraphes ?
Après 4 années de compagnie et 4 créations, j’avais envie de faire le point sur la structuration de ma compagnie, de prendre du recul pour regarder toutes les choses construites depuis le début, et acquérir de nouveaux outils pour être toujours plus juste dans les étapes à venir. La formation était aussi une manière pour moi de rencontrer d’autres chorégraphes à différentes étapes de structuration de leur propre projet, et de constater qu’aucun d’entre nous n’est seul dans ce qu’il vit, qu’il en soit au tout début ou à un stade plus avancé.