Dans le cadre du festival Kalypso, La Fabrique de La Danse organisait le 29 novembre dernier une conférence sur le thème : « Quelle place pour la femme dans la danse hip-hop ? ». Cet événement se tenait à FAR, incubateur culturel à Paris. Pour ceux qui n’y étaient pas présents, mais aussi pour ceux qui ont envie de se remémorer certains moments, voici un récapitulatif de cette conférence… et le podcast !

recap conférence

Il est 18h30 à FAR, le 29 novembre dernier. Alors que les personnes du public se dirigent doucement vers les places assises, elle sont tout à coup stoppées dans leurs mouvements, par une demande d’Anne Nguyen. La chorégraphe demande au public de l’encercler, afin qu’elle puisse faire quelques pas de break dance. Ce moment a permis d’immerger la salle de culture hip-hop, de quoi permettre l’ouverture du débat.

Laure Nouraout, la modératrice explique à l’assemblée que la mise en place de cet événement fait écho au programme intensif « Les Femmes sont là » mis en place par La Fabrique de la Danse, et plus généralement une réflexion sur les inégalités homme / femme constatées de nos jours, dans certains domaines. Puis, les invités sont présentés tour à tour :

  • Johanna Faye – Chorégraphe à la compagnie Black Sheep
  • Anne Nguyen – Chorégraphe à la compagnie par Terre
  • Chloé Le Nôtre – Chargée du programme de résidences et d’accompagnement d’Initiatives d’Artistes en Danses Urbaines (IADU) et de la programmation sur l’Escale Villette
  • Sonikem – Journaliste, chanteur, dj, producteur

Les invités prennent la parole chacun leur tour afin de définir, dans un premier temps, ce qu’est pour eux, le hip-hop. Les 4 intervenants se sont mis d’accord sur le fait que le hip-hop est un « mouvement artistique » permettant de « transformer l’énergie négative en art ». Le hip-hop est aussi « une culture » avant tout, qui réunit certes plusieurs axes comme la musique, la danse, le roller, le skate, les vêtements, mais qui reste une et même philosophie. « C’est tout l’esprit du hip hop qui nous est arrivé en force jeudi soir, lors de la table ronde. Un mode de pensée, un mode d’être, une simplicité sans fards, chez tous les intervenants. Une énergie incroyable aussi, dans les paroles, les attitudes, et un sens du vivant comme on l’exprime rarement », commente Christine Bastin, directrice artistique de La Fabrique de la Danse.

La conférence a ensuite pris un second virage sur la façon dont chacun a de se positionner dans le milieu hip-hop, et les influences que tous ont pu avoir, plus jeunes. Des noms comme : Karima d’Aktuel Force, Toni Basil, Missy Elliott, et même Anne Nguyen, pour Johanna Faye, ont été citées comme élément déclencheur, d’influence ou encore modèle d’ambition. Et partant du constat que de grandes figures féminines du hip-hop trottaient dans les esprits de chacun, il était temps de poser notre question principale « Quelle place pour la femme dans la danse hip-hop ? ». Les intervenants ont d’abord abordé la manière dont ils appréhendaient le milieu, en tant que femme ou en tant qu’homme côtoyant des danseuses. Johanna Faye et Anne Nguyen déclaraient que, plus jeunes, elles se confrontaient aux garçons lors de battles. Prenant certains d’entre eux comme “adversaires” d’autres comme soutien, les deux chorégraphes ont évolué dans un environnement où seule la performance artistique dans le cercle, compte. Chloé Le Nôtre, elle, évoquait la mise en concurrence entre elle et son frère au sujet des matières scientifiques. Elle insistait d’ailleurs sur le fait que les matières scientifiques étaient spontanément attribuées aux garçons, faisant écho à certains stéréotypes. Enfin Sonikem a évoqué le fait que sa fille de 8 ans l’accompagnait dans des battles destinées aux filles. En grandissant, sa fille commence petit à petit à avoir des figures féminines de danse auxquelles elle s’identifie. Ces battles pour filles, il les a lui-même montées en prenant en compte plusieurs remarques faites par des B-girls qui assistaient à ses cours.

L’expérience évoquée par Sonikem a permis aux autres intervenantes d’exprimer leur ressenti par rapport à la mise en place d’outils, comme ces battles, pour aider à la liberté de soi. La vision de la position de la femme en tant que telle est personnelle. Cette vision est alimentée par les expériences, les cultures et les influences de chacun. Chloé Le Nôtre a exprimé, qu’encore étudiante elle avait étudié le rapport Reine Prat qui fait part des inégalités homme / femme dans les arts du spectacle, et qu’elle avait réussi à prendre conscience de certains faits présents dans notre société. Suite à cela Chloé Le Nôtre a ajouté, qu’elle avait choisi intimement de se battre contre certains faits. La question de la place de la femme dans la danse hip-hop a permis à Anne Nguyen et Johanna Faye de faire part de leurs expériences en tant que danseuses et chorégraphes. Anne Nguyen a notamment évoqué certaines remarques qu’elle avait eues lors de représentations de ses spectacle « C’est un très bon spectacle pour une femme ». Johanna Faye a, elle, partagé des moments intenses de sa carrière de danseuse, comme ses dures et longues répétitions pendant lesquelles elle s’acharnait sur son corps pour être performante en breakdance.

Christine Bastin ajoute : « C’est depuis le public qu’a jailli ce désir qu’on se pose la question de la femme de façon collective ; parce que, pour bon nombre d’entre elles, la solidarité, le mouvement à plusieurs, sont essentiels pour passer de : « je n’ose pas » à « je m’assume ».  Autres générations, nouvelles cultures ? Un désir fort aussi, d’affirmer le « vivre ensemble », le « faire ensemble », comme condition d’un « mieux-être » général. Envie d’affirmer aussi qu’on n’est pas coupables de ressentir le poids paralysant des inégalités homme / femme. Et qu’on a besoin de se sentir ensemble, pour réaffirmer la force du féminin, à égalité avec celle du masculin. »

Le débat était très intéressant et les avis différents, mais chaque intervenant s’efforçait d’illustrer ses propos de ses propres expériences. La question de la place de la femme est un sujet délicat… Très actuel, il est nécessaire d’en parler. Et Christine Bastin de conclure : « Une table ronde magnifique, brute, précieuse et tempêtueuse, où, entre accords et désaccords , beaucoup de femmes ont réveillé en elles, la femme qui court avec les loups. Partage gagné ! »