En juin, La Fabrique de la Danse a animé en partenariat avec le Carreau du Temple, des ateliers au collège Béranger. Elsa Lyczko, chorégraphe de la promotion 2018, a animé une partie de ces ateliers : elle vous les raconte de l’intérieur.

La « chorégraphie exquise » au collège Béranger, encore un nouveau défi lancé par La Fabrique de la Danse ! Le concept est simple, 1 classe de 3ème, 3 chorégraphes, 2 ateliers d’1h30 pour chacun d’entre nous pour mettre au point une chorégraphie de quelques minutes dont le début est calqué sur la fin de celle du chorégraphe précédent sans en connaître son contenu bien sûr sinon c’est pas drôle (tout le monde me suit ? C’est le principe du cadavre exquis d’où le nom de chorégraphie exquise !), 1 restitution de l’ensemble de la chorégraphie exquise !

Simple ! Sur le papier oui… Quand on sait combien d’heures de répétitions sont nécessaires pour mettre au point quelques minutes avec des danseurs professionnels, le défi est grand ! J’adore ! Je suis donc une des chorégraphes qui a eu la chance de participer à ce projet et me voilà à 8h pétantes (je me suis d’ailleurs toujours demandé pourquoi on avait systématiquement EPS à 8h au collège) au studio de Flore entourée de 25 jeunes de 15 ans, sous le regard avisé de leur professeur. Echauffement donc, je tente mon échauffement habituel basé sur des postures de yoga et je me rends vite compte que ce n’est pas vraiment ca ! Et oui, j’aurais dû le savoir quand même, c’est pas si loin… Si à 15 ans à 8h du matin, on m’avait demandé avec mes camarades de me concentrer sur ma respiration en sollicitant mon imaginaire pendant des postures statiques j’aurai sûrement trouvé ca, euh comment dire, un peu « relou » ! Exit le yoga donc. Ce qui est saisissant avec ces jeunes c’est qu’ils sont dans une réalité brute, instantanée, dynamique, ils ont soif d’apprendre, de bouger,  il faut les nourrir à chaque instant de ces ateliers sinon… ben sinon ca rit, ca commente, ca se déconcentre, normal ! Mes 2 parents sont enseignants, et j’en profite pour leur dire « Ah oui ! C’est un sacré métier ! »

Ce qu’ils aiment donc c’est l’action, le tout de suite, et ça, ça me force à m’adapter à eux dans l’instant pour pouvoir les amener en douceur vers leur créativité et donc forcément leur intériorité.  Nous avons travaillé de manière ludique sur le rapport entre les mots et le corps. Sur la base de phrases qu’ils ont choisies eux-mêmes. Comment le corps peut-il parler avec la même dextérité que lorsque nous nous exprimons oralement ? Un travail du « mot-à-geste » qui est la base de ma recherche chorégraphique. Par trios, ils ont chacun construit une courte chorégraphie sur leur phrase, allant de Jean De La Fontaine au dernier théorème de mathématiques dans leurs cahiers. Et ils ont été brillants de créativité. Pour moi à ce moment là, le pari était gagné. Ils ont, sans s’en apercevoir, plongé dans ce vaste océan de la création ! Et lorsque nous avons découvert la chorégraphie exquise dans son ensemble, avec les travaux des 3 chorégraphes mis bout à bout, le silence et la concentration étaient au rendez-vous et, je le crois, la fierté et le plaisir aussi.

Du point de vue de mon travail chorégraphique, il est toujours intéressant de se confronter à des publics étrangers à notre univers. Cela génère systématiquement de nouveaux questionnements et c’est à chaque fois l’occasion d’être de plus en plus précis sur ce que nous développons comme écriture chorégraphique, sur la direction que nous donnons à notre créativité. Ce public-là en l’occurrence, avec ces corps d’adolescents en pleine évolution, est loin d’être acquis au départ et a donc été pour moi d’autant plus intéressant à appréhender. Et puis l’art à l’école, l’art comme pilier d’une éducation qui construira la société de demain, avec tout ce que cela peut véhiculer de valeurs d’empathie, d’acceptation de l’autre et de soi, de créativité commune, de curiosité, de communication… C’est essentiel non ? En tout cas, j’en suis convaincue et je n’aurais pas choisi ce métier si je ne l’étais pas. Alors La Fabrique, on y retourne ?

En savoir plus :
Article de présentation du projet