L’édition 2018 de Danse Elargie, concours de danse, mais pas seulement, a eu lieu en juin dernier au Théâtre de la Ville. A cette occasion, jury ou spectateurs ont récompense Kwame Asafo-Adjei, Elsa Chêne, Ousmane Sy et Jusung Lee pour leurs travaux, à la lisière entre la danse et les autres arts.

Les 16 et 17 juin dernier s’est tenu, au Théâtre de la Ville, le concours Danse Élargie, organisé avec le soutien de la fondation Hermès et de la SACD. Créé en 2010, c’est un peu plus qu’un concours de danse international: convaincus que “si chaque art est effectivement traversé par d’autres, aucun ne l’est autant que la danse”, Emmanuel Demarcy-Mota, directeur du Théâtre de la Ville de Paris et Boris Charmatz, directeur Musée de la Danse de Rennes, tous deux à l’initiative de ce projet, l’ont voulu pluridisciplinaire, universel, ouvert aux artistes de toutes les disciplines. Le plateau devient ainsi un espace de rencontre et d’expérimentation entre les arts (danse mais aussi théâtre, arts plastiques, musique, architecture, design…): Danse élargie fait tomber les frontières entre les disciplines pour que ne subsiste que la liberté d’inventer totale, sans entraves. Le jury est à cet image : si la moitié de ses membres sont des chorégraphes et des danseurs (Marine Brutti, Nora Chipaumire, Benjamin Pech, Sébastien Ramirez…), d’autres sont metteurs en scène, musiciens, ou les deux, comme la présidente du jury Séverine Chavrier, directrice du CDN d’Orléans, ou plasticiens, comme l’artiste belge Ann Veronica Janssens.

Les lauréats de Danse Élargie sont également les symboles de cette alchimie entre les arts. Cette année, 460 projets ont été présentés, par des candidats originaires de plus de 70 pays différents. Concentrons nous désormais sur ceux qui ont été récompensés.

1er Prix : Kwame Asafo-Adjei pour Family Honour

Le chorégraphe/metteur en scène britannique, dirigeant la compagnie Spoken Movement, met en scène dans cette pièce une jeune fille, piégée dans son esprit torturé, hanté par un péché, qu’elle a commis par le passé et qu’elle confronte à la tradition dans laquelle elle est élevée. S’inspirant de sa propre famille et de sa relation avec son père, au Ghana, Kwame Asafo-Adjei nous parle de relations humaines, en mettant en scène celles des personnages de la pièce.

Il se concentre également sur la problématique du lien entre langage et mouvement : convaincu que “l’action parle plus fort que les mots”, il rejette le discours, mais pas la possibilité du récit : pour cela, il utilise des sons intenses et organiques, comme celui de la respiration, et les lie à des mouvements éloquents, comme le popping, impliquant tension et relâchement. Ainsi, l’histoire se raconte sans parole dans une véritable pièce de “théâtre Hip-Hop”.

Ce rejet du discours, c’est aussi un moyen de rendre son audience active. Il veut en effet que le public s’engage, qu’il établisse une connexion avec la jeune fille, dans une performance immersive où les stimulus divers jouent un rôle crucial.

2ème place: Elsa Chêne pour Mur/Mer

Que serait une plage où la mer a été remplacée par un mur ? C’est la question, particulièrement d’actualité, que se pose cette metteuse en scène française, de formation littéraire et théâtrale. Dans sa pièce Mur/ Mer, elle met en scène des vacanciers installés à même le sol, regardant le mur au fond de la pièce comme s’ils scrutaient la mer. Un moyen d’explorer l’ambivalence de la mer, grande étendue mais aussi espace difficilement franchissable, dans une atmosphère étrange et inquiétante.

Et pour cause : pour sa pièce, Elsa Chêne indique s’être inspirée des photographies de plages artificielles de Martin Paar: “Plages bondées où les gens contemplent une mer dont le bleu dégradé est un effet de trompe-l’œil, où l’horizon est dessiné sur un mur au lointain. Pourquoi sont-elles autant fréquentées ? Que viennent chercher ces faux vacanciers ? Jusqu’où va l’illusion ? Oublient-ils l’artifice ?”

3ème Place et Prix de l’équipe technique : Ousmane Sy pour Queen Blood

Membre du groupe Wanted Posse, cofondateur du groupe Serial Stepperz et fondateur du Groupe Féminin Paradox-sal, ce danseur et chorégraphe français spécialiste de House Dance aime mélanger les styles, et travailler avec des groupes, car la virtuosité qui s’en dégage permet selon lui de valoriser les actions individuelles.

Queen Blood ne fait pas exception : 7 danseuses doivent bousculer leurs acquis techniques et questionner leur rapport au geste et à la performance pour rendre palpable ce que revêt pour elle la notion de féminité: dans la danse, dans le geste féminin assumé ou subie. Cette pièce permet de rendre visible l’intime, en mettant en scène le ressenti personnel de chaque interprète sur cette notion polysémique, en les laissant vivre, par delà le geste et la technique, leurs émotions.

Prix du Public : Jusung Lee pour Eye.

3 danseurs en noir sur une scène dénudée, et diverses situation qui se produisent : c’est ce qu’a imaginé le chorégraphes et danseur contemporain coréen du sud pour mettre en scène sa personnalité, son sentiment de solitude, sa difficulté à soutenir un regard.

Mais oeil, en coréen, cela signifie aussi la neige. Cette pièce est donc un moyen d’explorer les deux sens de ce mot, leur lien, leur signification pour le chorégraphe.